Pour mieux partager, habitez groupés
À l’été 2010, Thérèse Bourdaud a emménagé avec quatre autres copropriétaires et amis, dans un petit immeuble, sur l’île de Nantes, baptisé Babel Ouest. « L’autonomie de chacun est respectée. Il ne s’agit pas d’une vie communautaire mais plutôt d’une proximité bienveillante », explique-t-elle.
Il y a six unités d’habitation à un coût de 2 800 € TTC au m² en centre-ville où les prix grimpent jusqu’à 6 000 €. Des espaces et des outils sont mutualisés mais chacun vit chez soi. Tout en partageant des moments choisis.
Un autre habitat est possible
Concevoir son logement en groupe pour vivre ensemble, gérer des espaces communs tout étant chacun chez soi… C’est la philosophie de l’habitat coopératif. Dans un contexte de crise du logement, les motivations sont économiques. Le gains d’échelle réalisés plaident en faveur de l’habitat groupé. Mais ce modèle répond surtout au besoin de construire un mode de vie plus écologique, plus solidaire, plus humain. Tous les groupes d’habitants parlent de créer du lien avec leurs voisins, de s’entraider entre familles avec enfants, de vieillir ensemble, de moins consommer et plus partager.
Un blanc de 20 ans
Dans les années 70, des expériences avaient vu le jour. Elles ont été vite rangées au rayon des projets babas cool pour néoruraux. La loi Chalandon, qui a supprimé en 1971 le statut de coopérative d’habitants, n’a rien arrangé. Depuis, aucun statut juridique spécifique n’encadre la propriété collective. Dans d’autres pays européens, des initiatives ont été encouragées par les pouvoirs publics. Du Danemark à la Belgique, l’habitat social coopératif est banal. En France, on le redécouvre et les pionniers comme la Petite Maison à Rennes, redeviennent sources d’inspiration.
80 projets dans l’Ouest
Des initiatives émergent un peu partout dans l’Ouest, de Saint-Brieuc (groupe Habitat passif Habitat Groupé), à Brest (Ecocum) en passant par Rezé (Les petits Moulins). « La Bretagne est l’une des régions en pointe derrière Rhône-Alpes. On dénombre environ 80 projets en cours ou réalisés dans l’Ouest pour environ 300 en France », note Émilie Cariou, juriste au pôle économie sociale et solidaire du Pays de Brest (ADESS).
Les groupes d’habitants sont accompagnés par des associations comme L’Echo-habitants près de Nantes ou L’Epok-Parasol à Rennes. Elles les fédèrent et les soutiennent tout au long de leur démarche semée d’embûches. « Concevoir un habitat participatif demande en moyenne entre trois et sept ans », note Samuel Lanoë, chargé de mission à L’Epok. Outre la prise de décision commune, la dimension collective du financement, l’accès au foncier, l’engagement d’un promoteur social, le choix du statut juridique sont parmi les principaux écueils.
Mutualiser et autogérer
À Chevaigné, près de Rennes, une dizaine de familles entreront en mars 2012 dans leurs nouveaux logements. Depuis 2008, avec l’appui de l’association Parasol et de l’architecte Françoise Legendre, ils travaillent sur cet éco-hameau labellisé BBC (bâtiment basse consommation) où seront mutualisés et autogérés une salle commune, un jardin, un atelier, une buanderie. Initié par le maire, ce projet a bénéficié d’un partenariat idéal : un aménageur, un promoteur, une collectivité et un groupe d’habitants très déterminés. La charte de fonctionnement est en cours de rédaction. « Avoir conçu ensemble ce projet a forgé un lien fort entre tout le monde. La prise de décision est facilitée », explique Ludovic Vieuxloup, l’un des futurs habitants. Reste devant eux une nouvelle page blanche à écrire : la vie qu’ils vont inventer ensemble.
[via] Anne-Élisabeth Bertucci, ouest-france.fr