Des lampes qui résistent à tout les temps et les tempêtes
Usiner en France, et pas seulement du high-tech, cela reste possible. Les établissements Guillouard le prouvent depuis 101 ans. Ils fabriquent, toujours à Nantes, des produits de qualité, hors du temps et durables : lampes-tempête, chaudrons, arrosoirs, presse-légumes en acier…
Passé le porche, on entre dans un autre monde.
Une usine de la première moitié du XXe siècle. À une époque où l’industrie française carburait à plein. Pourtant, on est bien en 2012 et soixante-quinze salaries y turbinent toujours. La preuve que, malgré la mondialisation, il y a toujours une place pour les produits industriels made in France.
Sur l’île de Nantes, la grande bâtisse fait partie du paysage. Pourtant, la plupart des usagers du tramway, qui passent devant tous les jours, ne la connaissent pas. « L’entreprise a été fondée à Nantes en 1911 par les frères Guillouard, explique l’actuel PDG Éric Sirvin. Et nous sommes arrivés sur l’île Beaulieu (partie est de l’île de Nantes), où nous sommes toujours, en 1924. À cette époque, le site était entouré de grandes prairies. » Les industries, navales notamment, toutes disparues, se trouvaient plus à l’ouest. Aujourd’hui, l’usine, qui s’étale sur 2 hectares, est entourée d’immeubles. Des promoteurs lorgnent parfois ce terrain très bien situé. « Mais on ne bougera pas », prévient le patron.
« Pour nos cent ans, nous avons sorti une lampe-tempête, en série limitée de couleur orange (1 000 exemplaires). » Un vrai symbole ! D’abord parce que l’entreprise fabrique le même modèle depuis 1927. Et, ensuite, parce qu’elle en écoule 70 000 exemplaires chaque année en… Afrique noire francophone. Au Congo, le marié offre comme cadeau à sa belle famille deux lucioles de chez Guillouard. Au prix fort… « Nous sommes certes dix fois plus chers que les lampes chinoises. Mais notre lampe ne s’éteint pas dès le que le vent souffle. Et nous contrôlons l’étanchéité de chaque unité manuellement. » La Luciole en Afrique, une tradition et un produit de première nécessité que l’on accroche dans la case.
Bouilloires en acier, presse-légumes, arrosoirs, bouilloires à bocaux pour les confitures (avec une version électrique), arrosoir métallique, chaudrons, marmites, brocs… Ce sont quelques-uns des articles fabriqués. Il y a aussi des lessiveuses détournées de leur fonction première, achetées dans le sud-ouest « pour égorger les poulets ! » Des objets fabriqués avec quasiment le même procédé depuis des décennies. Avec un souci pointilleux de la qualité.
« Des Français nous copient… à l’étranger ! »
Dans l’usine, les salariés perpétuent les gestes de leurs aînés. Ils découpent, ils emboutissent la tôle et, surtout, ils enduisent l’objet d’un revêtement de surface qui rend le métal plus rigide, étanche, le protège de la rouille. Et lui donne un aspect moderne. Avec deux techniques immuables. Soit la galvanisation à chaud : des ouvriers armés de lourdes pinces plongent le produit dans un bain de zinc en fusion. Soit l’étamage à chaud : dans un bain d’étain.
Par nécessité, les établissements Guillouard façonnent aussi, dans les ateliers, des ustensiles en plastique, arrosoirs ou presse-légumes. Mais le coeur de leur métier demeure l’acier et la production « maison » : « 90 % de ce que l’on vend dans notre catalogue, on le fabrique nous-même. »
Pour survivre, il leur faut innover :
« Par rapport à la concurrence étrangère, nous sommes forcément chers. Donc nous devons apporter des plus. Nous avons embauché un ingénieur recherche et développement, il y quatre ans. Nous avons, par exemple, développé des couvercles 4 en 1 qui font aussi égouttoir, repose cuillère, repose plat ».
Ils passent bien sûr au micro-ondes et prennent juste la place d’une assiette dans le lave-vaisselle. Chaque modèle est déposé. Car Guillouard inspire des concurrents sans vergogne. « Nous avons été les premiers à lancer les petits carrés de jardins, avec des coins en acier. Nous avons été copiés. Parfois par des Français qui les font fabriquer à l’étranger. Cela me met vraiment en colère… »
Des procédés qui ne changent rien à la volonté d’Éric Servin de produire français, « avec les contraintes françaises. J’estime que notre rôle est de faire travailler les gens d’ici ». Il reste confiant. « Dans le contexte actuel, on vit dangereusement. Mais on continuera ! ».
[Via] Philippe Gambert, ouest-france.fr