Le printemps triomphe chez le jardinier de la télé
Photo : Jean-Yves Desfoux
Chaque semaine, en complicité avec Noëlle Bréham, Stéphane Marie anime l’émission Silence, ça pousse, sur France 5. Il y transmet sa passion des plantes, depuis son jardin de Normandie. 6 000 mètres carrés qu’il a dessinés avec le temps. Ces jours-ci, le lieu explose sous la poussée du printemps.
Entre Barneville-Carteret et Saint-Pierre-d’Arthéglise, sur la petite route qui serpente dans le bocage de la Manche, un âne en osier garde le territoire de Stéphane Marie. Devant sa porte, le jardinier de la télé accueille d’un grand geste.
Dans le clair-obscur de sa maisonnette flotte une odeur de café tandis qu’une vieille horloge cherbougeoise compte le temps. Objets anciens et touches modernes se mêlent en harmonie. Avant de mettre en scène les plantes, Stéphane Marie a été homme de décors et de costumes. Pendant quatre ans, après les Beaux-arts à Orléans, il a sillonné la France à la recherche d’oeuvres dans les ateliers d’artistes. Jusqu’au jour où ses racines ont eu besoin de retrouver la terre normande.
« Je suis né ici, à Barneville. Mes parents étaient dans le bourg. Mon oncle vivait dans cette maison. Le vieil homme était tout le temps dans le jardin. J’avais 10-12 ans et je gardais le tonton. Je regardais les plantes mais ça ne m’intéressait pas. Je trouvais que la terre était trop lourde. » Quelques années plus tard, il récupère la bâtisse, sans toit, et s’attelle aux travaux. Il ouvre la maison sur le potager et commence à dessiner son jardin, tout en apprenant dans les livres.
Son jardin, il le fait visiter avec l’énergie d’un farfadet. « Le plus dur, dans un jardin, c’est le départ. Il ne faut pas aller trop vite. On doit regarder où est le soleil. Voir où les plantes se sentent bien, et nous aussi. » Il a mis trois ans à organiser ses 6 000 m2 en différents territoires, qu’on découvre par étapes.
En sortant de la maison, on se croit dans une prairie sèche. « C’est mon jardin du matin. » On bifurque ensuite vers une ambiance de sous-bois. « Là, c’est ma terrasse du soir. » Pour découvrir, plus loin, une atmosphère de lisière ou, au fond, une prairie humide. Chaque espace donne, depuis treize ans, différents cadres pour l’enregistrement de son émission Silence, ça pousse qu’il a lui-même proposée à France 5. Pendant trois quarts d’heure, en duo avec Noëlle Breham, « une Bretonne de Versailles, avec qui ‘ça l’a fait’ », il donne des conseils, fait découvrir d’autres jardins, aménage des petits espaces chez des téléspectateurs… Il reçoit, pour ça, 40 000 demandes par an, de France, Belgique et Suisse !
« Se glisser dans le planning des plantes »
En ce moment, dans son domaine, c’est le grand réveil du printemps. « Les narcisses sont sortis en une semaine. C’est fou ! Si on n’a pas préparé les choses, on est dépassé par les événements. Le jardin, on le travaille toute l’année. »
Là, il vient de s’occuper du gazon ; a regarni les endroits qui ont souffert pendant l’hiver ; fait la taille des arbres ; puis broyé, avec des amis, tous les branchages enlevés, afin de constituer un paillis à déposer sur les plates-bandes. Ça limitera le sarclage ensuite. « C’est également le moment de préparer les jachères fleuries. On sème et on ne s’en occupe pas pendant six mois. Sans oublier de réfléchir au potager, aux tomates et aux courgettes qu’on va planter le mois prochain. La terre se réchauffe. On commence à la préparer, à l’aérer : les bactéries ont besoin d’air. On enrichit avec du compost. Une terre peut perdre de 1 à 30 % d’humus chaque année. »
Dans la lumière matinale, son jardin est un émerveillement. Aurait-il la main verte ? « Il ne faut pas réfléchir comme ça. Le jardin, c’est une question d’attention. Il faut pouvoir lui consacrer du temps. Ne pas vouloir qu’un décor mais avoir envie de voir ce qui pousse, de se laisser embarquer par cette magie. »
Stéphane Marie montre avec des yeux d’amoureux le myrtus luma qu’il s’est amusé, la veille, à tailler en nuage. Puis il reprend de sa voix si reconnaissable : « Un jardin est, probablement, l’endroit le plus facile pour être créatif. C’est un lieu de réalisation personnelle où on peut voir le résultat de chaque geste. »
Comme il le fait dans son dernier livre, le jardinier adore partager son savoir-faire : « Jusqu’au mois de mai, on taille dès que les fleurs sont fanées. Mais tout ce qui fleurit après le mois de mai, on le taille à la fin de l’hiver. Ce n’est pas compliqué le jardin. Il ne se soumet pas à notre emploi du temps. C’est nous qui devons nous glisser dans le planning des plantes. »
Pour, finalement, avoir comme lui, des grands plaisirs : « Être dans un recoin de mon jardin, avec une lumière comme ce matin, et le partager avec des copains, en leur payant un coup ! »
[via] Gilles Kerd Reux, ouest-france.fr